J1.09 - PREMIERE APPARITION DE BELISAIRE

 

IX

PREMIÈRE APPARITION DE BÉLISAIRE

    Un après-midi que d’Argenton et Charlotte étaient allés à Corbeil, poussés par ce besoin de déplacement qui poursuit tous les inoccupés, Jack, resté seul avec la mère Archambauld, dut renoncer à partir en forêt, à cause d’un grand orage qui menaçait. Le ciel, un ciel de juillet, chargé de buées lourdes, se cuivrait au bord de ses nuages noirs où couraient de sourds roulements ; et la vallée assombrie sur tout un point, muette, désertée, avait cette immobilité de l’attente que prend la terre aux changements de l’atmosphère.
 
Fatigué de ce désœuvrement d’enfant qu’elle sentait rôder autour d’elle, la femme du forestier regarda le temps, et dit à Jack :
 
– Savez-vous, monsieur Jack, il ne pleut pas ; d’ici que l’eau vienne, vous seriez bien gentil d’aller jusqu’à la route me faire un peu d’herbe pour mes lapins.
 
L’enfant, enchanté d’être utile, prit un panier, dégringola rapidement le chemin des Aulnettes jusqu’à la route de Corbeil qui passe au bas, et se mit à chercher sur les talus des fossés les serpolets fleuris, les petites herbes pauvres que grignotent les lapins.
 
À perte de vue la grande route se déroulait, blanche, ouatée d’une poussière fine et brûlante qui ternissait de teintes grises le feuillage épais des gros ormes et toute la lisière du bois. Elle était déserte, cette route, sans un passant ni une voiture, agrandie de sa solitude. Jack, au fond du fossé, très activé dans sa recherche par les roulements de l’orage qui approchait, entendit tout à coup près de lui une voix qui criait sur un ton aigu et monotone :
 
« Chapeaux ! chapeaux ! chapeaux !… » et après, sur une note beaucoup plus basse :
 
« Panamas ! panamas ! panamas ! »
 
C’était un de ces forains qui courent les campagnes, le dos chargé de leur marchandise. Celui-là portait entre ses deux épaules, comme un orgue, un large panier rempli de chapeaux de paille commune, empilés, montant très haut. Il marchait difficilement, péniblement, les jambes cagneuses, les pieds posés de côté dans de gros souliers jaunes, avec l’air de souffrance d’un blessé.
 
Avez vous remarqué comme c’est triste un piéton sur une grande route ?
 
On ne sait où va cette vie errante, si le hasard lui procurera un asile, l’abri d’une grange pour dormir. Elle semble traîner avec elle la fatigue du chemin parcouru, l’incertitude des lointains où elle entre. Pour le paysan, ce passant c’est l’étranger, l’aventurier ; il le suit d’un œil de méfiance, le reconduit du regard jusqu’à la porte du village, tranquille seulement quand la grande route a repris sur son pavé hanté des bons gendarmes l’inconnu qui ne peut être qu’un malfaiteur.
 
« Chapeaux ! chapeaux ! chapeaux ! »
 
Pour qui continuait-il son cri, ce pauvre diable ? Il n’y avait pas une maison en vue. Était-ce pour les bornes immobiles, pour les oiseaux abrités dans le feuillage des ormes, anxieux et craintifs aux approches de l’orage ?
 
Tout en criant, il s’était assis sur un tas de pierres et s’essuyait le front avec sa manche, pendant que Jack, de l’autre côté de la route, regardait cette vilaine figure, sans âge, terreuse et triste, aux yeux rongés tout clignotants, à la bouche informe, épaisse, couverte d’une barbe jaunâtre et laissant voir des dents pointues, espacées entre elles comme des dents de loup. Mais ce qui frappait surtout dans cette physionomie, c’était une grande expression de souffrance, la plainte muette de ces yeux ternes, de cette bouche lourde, de toute cette face inachevée, monstrueuse, qui semblait un échantillon retrouvé des âges préhistoriques. Le malheureux avait sans doute conscience de sa terrible laideur ; car, en voyant en face de lui cet enfant qui le regardait avec un peu d’inquiétude, il lui sourit d’un air aimable. Ce sourire le rendit encore plus laid, mit au bord de sa bouche, de ses yeux, un million de petites rides, tout ce plissement des visages de pauvres que le sourire chiffonne au lieu de les détendre. Mais il avait l’air si bon en riant ainsi, que Jack se sentit rassuré tout de suite et continua à arracher son herbe.
 
Soudain un roulement de tonnerre très rapproché ébranla le ciel et la vallée entière. Sur la route un frisson courut, soulevant la poussière, frémissant dans les arbres.
 
L’homme se releva, regarda les nuages d’un air inquiet, puis s’adressant à Jack, que le coup de tonnerre avait redressé lui aussi, il lui demanda si le village était encore bien loin.
 
– À un quart d’heure à peu près, répondit l’enfant.
 
– Eh là ! bon Dieu, fit le pauvre camelot, jamais je n’arriverai avant la pluie. Je vais mouiller tous mes chapeaux. J’en ai trop pris ; ma bâche n’est pas assez grande pour les couvrir.
 
Jack eut un bon mouvement en voyant cette consternation ; d’ailleurs son fameux voyage l’avait rendu pitoyable à tous les errants du grand chemin.
 
– Eh ! marchand, marchand, cria-t-il à l’homme qui s’en allait déjà en clopinant, activant de toutes ses forces, mais sans grand résultat, ses jambes tordues comme des ceps de vignes… Si vous vouliez, notre maison est tout près d’ici, vous pourriez y abriter vos chapeaux.
 
Le malheureux accepta avec empressement. Sa marchandise d’été était si délicate !
 
Les voilà tous les deux se pressant sur la route, grimpant le chemin pierreux pour fuir l’orage qui les talonnait. L’homme allait aussi vite qu’il pouvait, semblait faire des efforts prodigieux, marchait sur l’empeigne de ses souliers et soulevait ses pieds à chaque pas, comme si les cailloux eussent été de feu.
 
– Vous souffrez ? demanda Jack.
 
– Oh ! oui, toujours… C’est mes souliers qui me font mal. J’ai les pieds trop grands, voyez-vous, je ne peux pas trouver de chaussures pour eux. C’est ça qui est pénible, quand on marche. Oh ! si jamais je suis riche, je me ferai faire une paire de souliers tout exprès pour moi, mais là, bien à ma mesure.
 
Et il s’en allait suant, geignant, sautillant, sur les rudesses de la montée, jetant de temps en temps par habitude son cri mélancolique : « Chapeaux ! chapeaux ! chapeaux ! »
 
On arriva aux Aulnettes. Le marchand déposa dans l’entrée son échafaudage de chapeaux ronds et se tenait là, humblement. Mais Jack tint à le faire asseoir dans la salle à manger.
 
– Allons ! mon brave, mettez-vous là. Vous allez boire un verre de vin et manger un morceau.
 
L’autre ne voulait pas, se défendait. À la fin il se résigna et dit avec son bon sourire :
 
– Ma foi ! mon petit monsieur, puisque vous y tenez, ça ne sera pas de refus. J’ai cassé une croûte tout à l’heure à Draveil, et vous savez, quand on sort de manger on a toujours un peu faim.
 
La mère Archambauld, qui en sa qualité de paysanne, femme de garde forestier, avait une sainte horreur des vagabonds, faisait la grimace ; mais elle mit tout de même sur la table une miche et un grand pot de vin.
 
– Là ! maintenant une tranche de jambon ! commanda Jack d’un ton résolu.
 
– Mais vous savez ben que monsieur n’aime pas qu’on touche au jambon, dit la mère Archambauld en bougonnant. En effet, le poète était très gourmand, et il y avait dans le garde-manger des morceaux exprès pour lui, qu’on lui réservait.
 
– C’est bon, c’est bon, donnez toujours, fit le petit Jack qui n’était pas fâché de jouer un peu au maître de maison. La brave femme obéit, mais elle se retira ensuite fièrement dans sa cuisine pour protester.
 
Tout en remerciant, l’homme mangeait d’un bel appétit. Le petit lui servait à boire, le regardait couper son pain en longues tranches énormes qu’il fourrait dans sa bouche par travers pour pouvoir les faire entrer.
 
– C’est bon, hein ?
 
– Oh ! oui, bien bon !
 
Dehors, la pluie battait les vitres, l’orage grondait. L’homme et l’enfant parlaient, enveloppés du bien-être que donne le sentiment de l’abri. Le marchand racontait qu’il s’appelait Bélisaire, qu’il était l’aîné d’une nombreuse famille. Ils habitaient rue des Juifs, à Paris, lui, son père, ses trois frères et ses quatre sœurs. Tout ce monde-là fabriquait des chapeaux de paille pour l’été, des casquettes pour l’hiver ; et, la marchandise prête, les uns couraient les faubourgs, les autres la province, pour la colporter et la vendre.
 
– Et vous allez loin ? demanda Jack.
 
– Jusqu’à Nantes, où j’ai une de mes sœurs établie… Je passe par Montargis, Orléans, la Touraine, l’Anjou…
 
– Ça doit bien vous fatiguer, vous qui marchez péniblement ?
 
– C’est vrai… Je n’ai un peu de soulagement que le soir quand je les quitte, ces malheureux souliers ; et encore mon plaisir est gâté par la pensée qu’il faudra les remettre.
 
– Mais pourquoi vos frères ne voyagent-ils pas à votre place ?
 
– Ils sont encore trop jeunes ; et puis le vieux papa Bélisaire n’aurait jamais voulu s’en séparer. Ça lui aurait fait trop de peine. Moi, c’est différent.
 
Il avait l’air de trouver tout naturel qu’on aimât mieux ses frères que lui. Il ajouta, en regardant tristement ses larges souliers jaunes, que la difformité de ses pieds comprimés gonflait de billes et de bosses :
 
– Si seulement je pouvais m’en faire faire une paire à ma mesure !…
 
Cependant l’orage redoublait. La pluie, le vent, le tonnerre faisaient un bruit épouvantable. On ne s’entendait plus parler, et Bélisaire continuait son repas silencieusement, quand un grand coup frappé à la porte et aussitôt réitéré rendit tout pâle le petit Jack.
 
– Ah ! mon Dieu ! dit-il, les voilà !
 
C’était d’Argenton qui rentrait avec Charlotte. Ils ne devaient revenir qu’à la nuit, mais la peur de l’orage, qu’ils croyaient pouvoir éviter en se pressant, avait hâté leur retour. Ils avaient reçu toute cette grosse pluie, et le poète était d’une furieuse humeur, tourmenté par la crainte de quelque rhume.
 
– Vite, vite, Lolotte !… Du feu dans la salle !
 
– Oui, mon ami.
 
Mais pendant qu’ils se secouaient, qu’ils ruisselaient, qu’on ouvrait tous grands les parapluies sur les dalles du vestibule, d’Argenton aperçut avec stupéfaction une formidable empilée de chapeaux de paille.
 
– Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il.
 
Ah ! si Jack avait pu disparaître a cent pieds sous terre avec son étrange convive et la table servie ! En tout cas, il n’en aurait pas eu le temps, car le poète entra aussitôt, promena son œil froid dans la salle, et comprit tout. L’enfant balbutia quelques mots pour s’excuser, pour expliquer… mais l’autre ne l’écouta pas :
 
– Charlotte, viens donc voir. Tu ne m’avais pas dit que M. Jack avait du monde aujourd’hui. Monsieur reçoit. Monsieur traite ses amis.
 
– Oh ! Jack, Jack… fit la mère d’un ton de reproche.
 
– Ne le grondez pas, madame, essaya de dire Bélisaire. C’est moi qui…
 
D’Argenton, furieux, ouvrit la porte, et la montrant au misérable d’un geste noble :
 
– Vous, d’abord, faites-moi le plaisir de vous taire et de déguerpir au plus vite, espèce de vagabond. Sinon, je vous fais coffrer pour vous apprendre à vous introduire dans les maisons.
 
Bélisaire, que son métier de forain avait habitué à toutes les humiliations, ne protesta pas, agrafa son panier bien vite, jeta un regard triste aux vitres ruisselantes, un autre regard plein de reconnaissance au petit Jack, se pencha de travers pour saluer humblement, bien humblement, et garda cette attitude courbée en franchissant le seuil éclaboussé d’une pluie rebondissante qui, sur les panamas, fit un pétillement de grêle. Dehors même, il ne songea pas à se redresser. On le vit s’éloigner, le dos tendu à toutes les cruautés du sort, à toute la furie des éléments ; et d’une voix lamentable, machinalement, il recommençait à crier sous l’averse :
 
« Chapeaux ! chapeaux ! chapeaux ! »
 
Dans la salle, il y eut un moment de silence, pendant que la femme du garde faisait flamber un feu de sarments dans la cheminée au vaste manteau, que Charlotte s’ingéniait à sécher les vêtements du poète, et que celui-ci se promenait en bras de chemise, solennel et digne, en proie à une sourde colère.
 
Tout à coup, en passant devant la table, il aperçut le jambon, son jambon, où le couteau du camelot, guidé par un féroce appétit, avait fait des entailles profondes, des trous béants comme ces cavernes que la mer creuse à l’heure du flot, et dont on ne sait jamais la fin.
 
Il devint blême.
 
Pensez que ce jambon était sacré, comme le vin du poète, son pot à moutarde, son eau minérale !
 
– Oh ! oh ! mais je n’avais pas vu ça… Mais c’était un vrai festival… Comment ! le jambon aussi ?
 
– Ils ont touché au jambon ? demanda Charlotte en se redressant indignée, stupéfaite d’une telle audace.
 
La femme du garde ajouta :
 
– Ah ! dam, j’y avons ben dit que monsieur gronderait qu’on donne un si beau morceau de porc à ce bohémien… Mais ça ne sait pas encore, n’est-ce pas ? C’est si jeune !
 
Jack, maintenant qu’il n’était plus dans l’élan de sa charité, ni sous le charme de ce sourire ridé, – oh ! le bon, l’attendrissant sourire, – Jack était atterré de ce qu’il avait osé faire. Ému, tremblant, il balbutia :
 
– Pardon !…
 
Ah ! bien oui, pardon !
 
Blessé dans son orgueil et dans sa gourmandise, d’Argenton laissa déborder tout ce qu’il sentait d’agacements, de crispations, de haine contre cet enfant, passé mystérieux, accusateur de la femme qu’il aimait un peu, tout en ne l’estimant pas du tout.
 
Chose rare chez lui, il eut un accès de colère, saisit Jack par le bras, secoua ce long corps d’adolescent, le souleva comme pour bien lui montrer sa faiblesse :
 
– Pourquoi t’es tu permis de toucher à ce jambon ? De quel droit ?… Tu savais bien qu’il n’était pas à toi ! D’abord, rien n’est à toi, ici. Le lit dans lequel tu dors, le pain que tu manges, c’est à ma bonté, à ma charité que tu les dois. Et, vraiment, j’ai bien tort d’être aussi charitable. Car, enfin, est-ce que je te connais, moi ? Qui es-tu ? D’où sors-tu ? Il y a des moments où la dépravation précoce de tes instincts m’épouvante sur ton origine…
 
Il s’arrêta sur un signe éploré de Charlotte lui montrant les yeux noirs, écouteurs, interrogeants, de la mère Archambauld qui regardait. Dans le pays, on les croyait mariés ; Jack passait pour l’enfant d’un premier mariage de madame d’Argenton.
 
Obligé de s’arrêter, de retenir un flot d’injures qui l’étouffait, d’Argenton, exaspéré, grotesque, tout trempé et fumant comme un cheval d’omnibus, monta rapidement dans sa chambre, dont il claqua les portes. Jack resta consterné en face du désespoir de sa mère, qui tordait ses beaux bras en demandant à Dieu encore un fois ce qu’elle avait fait pour mériter une existence pareille. C’était sa seule ressource devant les complications de la vie. Comme toujours, la demande resta sans réponse ; mais il faut croire qu’elle avait dû commettre de bien grosses fautes pour que Dieu l’eût condamnée à devenir et à rester la compagne aveugle et obtusément éprise d’un être pareil.
 
Pour achever d’aigrir l’humeur déjà si noire du poète, à l’ennui, à la tristesse de la solitude la maladie vint s’ajouter. Comme tous ceux qui ont vécu longtemps de vache enragée, d’Argenton avait un mauvais estomac ; très douillet en outre, très geigneur, il s’écoutait. – comme on dit, – et dans le grand calme de la maison des Aulnettes, rien ne lui était plus facile. Quel bon prétexte aussi pour expliquer la stérilité de son cerveau, les longs sommeils sur le divan, cette apathie qui l’accablait ! Désormais le fameux : « Il travaille… Monsieur travaille » fut remplacé par : « Monsieur a sa crise. » Il baptisait de ce mot vague un malaise intermittent qui ne l’empêchait pas d’aller à la huche, plusieurs fois par jour, se couper de larges croûtes de pain tendre, qu’il enduisait grassement de fromage à la crème et dans lesquelles il mordait à pleines moustaches. À part cela, il avait tout d’un malade : l’allure alanguie, la mauvaise humeur, les exigences perpétuelles.
 
La bonne Charlotte le plaignait, le soignait, le dorlotait. Cette sœur de charité qu’il y a au fond de toute femme se doublait chez elle d’une sentimentalité bêtasse, qui lui rendait son poète plus cher depuis qu’elle le croyait très malade. Et que d’inventions pour le distraire, pour le soulager ! C’était une couverture de laine qu’elle mettait sous la nappe pour amortir le choc des assiettes et de l’argenterie, un système de coussins dont elle bourrait le dossier droit de la chaire Henri II ; puis les petits soins, la flanelle, les infusions, toute cette tiédeur où les malades de bonne volonté endorment leur énergie, affaiblissent jusqu’au son de leur voix. Il est vrai que la pauvre femme, avec cette gaieté bondissante qui la reprenait quelquefois, anéantissait d’un coup toutes ses vertus de garde-malade, retrouvait son exubérance de paroles, ses gestes en guirlande, et ne s’arrêtait, un peu confuse, que devant l’agacement du poète, qui lui disait d’un ton dolent : « Tais-toi… tu me fatigues… »
 
Cette maladie de d’Argenton attirait dans la maison un visiteur assidu, le docteur Rivals, que l’on guettait au passage à tous les coins de route, sa clientèle très étendue, espacée sur plus de dix lieues de pays, l’accaparant à toute heure. Il entrait avec sa bonne figure couperosée et joyeuse, la toison de soie blanche toute frisée qui lui servait de chevelure, les poches de sa longue redingote bourrées de bouquins qu’il lisait toujours en route, en voiture ou à pied. Charlotte prenait un air compassé en l’abordant dans le couloir :
 
– Ah ! docteur, venez vite. Si vous saviez dans quel état il est notre pauvre poète !
 
– Bah ! laissez donc, il n’a besoin que de distraction.
 
En effet, d’Argenton, qui accueillait le médecin d’une voix affaiblie et pleurarde, était si heureux de se trouver devant un nouveau visage, d’entrevoir dans la monotonie de son existence un élément de variété, qu’il oubliait son mal, parlait politique, littérature, éblouissait le bon docteur par des récits de la vie parisienne, les personnages marquante qu’il prétendait connaître, auxquels il avait dit quelque mot cruel. Le docteur, très naïf, très franc, n’avait aucune raison de douter de cette parole froide qui, même dans ses extravagances vaniteuses, semblait mesurer toutes ses phrases ; et puis le vieux Rivals n’était pas observateur.
 
Il se plaisait dans la maison, trouvait le poète intelligent, original, la femme jolie, l’enfant délicieux, et ne sentait pas, comme l’eût fait un esprit plus fin, par quels liens de hasard ces êtres-là tenaient entre eux, par quelles épingles mal attachées et piquantes ils arrivaient à composer une famille.
 
Que de fois, vers le milieu du jour, son cheval retenu par la bride à l’anneau de la palissade, le bonhomme s’attardait chez les Parisiens à siroter le grog que Charlotte lui préparait elle-même, et à raconter ses voyages dans l’Indo-Chine à bord de la Bayonnaise ! Jack restait là, dans un coin, attentif, silencieux, pris de cette passion d’aventures que tous les enfants ont en eux et que la vie vient sitôt mater, hélas ! avec son nivellement monotone et ses rétrécissements graduels d’horizons.
 
– Jack ! disait brutalement d’Argenton en lui montrant la porte.
 
Mais le docteur intervenait :
 
– Laissez-le donc. C’est si amusant d’avoir des petits autour de soi. Ils ont un flair étonnant, ces mâtins-là. Je suis sûr que le vôtre a deviné, rien qu’à me voir, que j’aime les enfants à la folie et que je suis un grand-papa.
 
Alors il parlait de sa petite-fille Cécile, qui avait deux ans de moins que Jack ; et quand il entamait le chapitre des perfections de Cécile, il était encore plus prolixe qu’en racontant ses voyages.
 
– Pourquoi ne nous l’amenez-vous pas ici, docteur ? disait Charlotte. Ils s’amuseraient si bien tous deux.
 
– Oh ! non, madame. La grand’mère ne voudrait pas. Elle ne confie l’enfant à personne, et elle-même ne va nulle part, depuis notre malheur.
 
Ce malheur, que le vieux Rivals rappelait souvent, était la perte de sa fille et de son gendre, morts tous les deux l’année même de leur mariage, quelque temps après la naissance de Cécile. Un mystère entourait cette double catastrophe. Avec les d’Argenton, la confidence du docteur se bornait toujours à ces mots : « Depuis notre malheur… » et la mère Archambauld, qui était au courant de l’histoire, se renfermait dans des phrases très vagues :
 
– Ah ! dam, oui, dam ! c’est des gens qu’ont eu ben du tourment…
 
Il n’y paraissait guère, à voir l’animation et la gaieté du médecin quand il venait aux Aulnettes. Le grog de Charlotte y était peut-être pour quelque chose, un grog foncé, carabiné, que madame Rivals, si elle l’eût vu, se serait empressée d’éclaircir avec beaucoup d’eau. Quoi qu’il en soit, le bonhomme ne s’ennuyait pas chez les Parisiens, se levait bien des fois pour dire : « Je vais à Ris, à Tigery, à Morsang… » et continuait la conversation commencée, jusqu’au moment où les piaffements de son cheval, qui s’impatientait à la porte, le faisaient se sauver bien vite, en jetant un bonjour au poète, et à Charlotte, préoccupée de son malade, une ordonnance toujours la même : « Donnez-lui de la distraction. »
 
De la distraction !
 
Elle ne savait plus que faire, pour lui en procurer. Ils passaient des heures à combiner les repas, ou bien ils partaient en forêt, dans la carriole, emportant leur déjeuner, un filet à papillons, des liasses de journaux ou de livres. Il s’ennuyait.
 
Il acheta un bateau ; mais ce fut encore pis, le tête-à-tête au milieu de la Seine étant forcé, absolu, par cela même insupportable à ces deux êtres, qui ne se disaient pas un mot, jetaient leurs lignes pour s’occuper et pour trouver, dans le silence obligé de la pêche, un prétexte, une excuse à leur mutisme perpétuel. Bientôt la barque resta amarrée parmi les joncs du rivage, remplie d’eau et de feuilles tombées.
 
Après, vinrent les fantaisies les plus singulières, des réparations au mur, à la tourelle, la construction d’un escalier extérieur et d’une terrasse italienne que le poète avait toujours rêvée, une suite de piliers bas tapissés de treillage, enguirlandés de vignes vierges. Mais il s’ennuya tout de même, malgré sa terrasse.
 
Un jour qu’il avait fait venir un accordeur pour réparer le clavecin sur lequel il jouait quelques polkas, cet homme, un inventeur bizarre, lui proposa d’installer sur le toit une harpe éolienne, une grande boîte sans couvercle, haute de cinq pieds, où des cordes tendues de longueur inégale vibreraient au vent en accords harmonieux et plaintifs. D’Argenton accepta avec enthousiasme. À peine l’appareil posé, ce fut sinistre. Au moindre souffle, on entendait des gémissements, des modulations déchirantes, des cris lamentables… houoûou… Jack, dans son lit, avait une peur horrible, se cachait la tête sous ses couvertures pour ne plus entendre. Il tombait de là-haut une mélancolie atroce, à rendre fou.
 
– Mais elle m’ennuie, cette harpe !… Assez, assez !… criait le poète exaspéré.
 
Il fallut démonter toute la mécanique, porter la harpe éolienne au fond du jardin, l’enfouir pour l’empêcher de vibrer. Mais, même sous terre, elle sonnait encore. Alors on finit par casser ses cordes, par la tuer à coups de pied, à coup de pierres, comme un animal enragé qui ne veut pas mourir.
 
Ne sachant plus qu’inventer pour distraire ce malheureux dont l’inaction tournait à la manie, Charlotte eut une idée généreuse : « Si j’invitais quelques-uns de ses amis ? »
 
C’était là un vrai sacrifice, car elle aurait voulu l’avoir à elle, tout à elle seule ; mais la joie du poète quand elle lui apprit que Labassindre et le docteur Hirsch allaient venir le voir, la récompensa de son courage. Il y avait bien longtemps qu’il songeait à une diversion venue du dehors et qu’il n’osait en parler après toutes ses déclamations sur le bonheur de la solitude et de la vie à deux.
 
À quelque temps de là, Jack, en rentrant pour dîner, entendit aux abords de la maison un train inaccoutumé, des rires, des chocs de verres partant de la terrasse neuve, tandis qu’on remuait des casseroles, qu’on cassait du bois pour le feu dans la grande cuisine du rez-de-chaussée. En approchant, il reconnut les voix, les tics des anciens professeurs du gymnase, auxquels se mêlait la parole de d’Argenton, non plus terne et geigneuse comme à l’ordinaire, mais ravivée au contact de la discussion. L’enfant éprouva une impression de terreur à l’idée de se retrouver en face de ces êtres qui lui rappelaient de si mauvaises heures, et ce fut en tremblant qu’il se glissa dans le jardin pour attendre le dîner.
 
– Messieurs, quand vous voudrez vous mettre à table ! dit Charlotte en apparaissant sur la terrasse, fraîche, animée, un grand tablier blanc à bavette montant jusqu’au menton, costumée en maîtresse de maison qui sait, quand il le faut, retrousser ses manches de dentelles et mettre la main à la pâte.
 
On descendit bien vite dans la salle à manger, où les deux professeurs firent assez bon accueil au petit Jack ; et tout le monde s’assit à table devant un de ces excellents repas de campagne qui gardent de la hâte de leur cuisson des saveurs d’herbe sauvage et des parfums de crémaillère.
 
Des deux portes ouvertes sur la pelouse on apercevait le jardin que le bois continuait sans limite apparente. Des rappels de perdreaux, des gazouillis d’oiseaux qui s’endorment, entraient par là jusqu’aux dîneurs avec les derniers rayons obliques, flamboyants, du soleil contre les vitres.
 
– Sapristi ! mes enfants, que vous êtes bien ici ! fit Labassindre tout à coup, quand, le potage avalé d’un grand appétit, chacun reprit la liberté de ses pensées.
 
– Le fait est que nous sommes bien heureux, dit d’Argenton en pressant la main de Charlotte, qu’il trouvait autrement jolie et séduisante depuis qu’il n’était plus seul à la regarder ; et il se mit à faire la description de leur bonheur.
 
Il raconta les promenades en forêt, les courses en bateau, les haltes aux vieilles auberges du bord de l’eau, anciens relais de coche avec des rampes intérieures en fer ouvragé et les deux gros anneaux du coche enfoncés et rouillés dans la pierre de la façade. Et les longs après-midi de travail dans les grands silences d’été, et les veillées au coin du feu, à l’automne, quand il commence à faire frais, et que la flamme pétille, monte haut, alimentée de racines et de souches.
 
Il le disait comme il le pensait à ce moment, et elle aussi se figurait avoir vécu de cette vie idéale pendant le temps d’ennui mortel qu’ils avaient si péniblement traversé. Les deux autres écoutaient avec une grimace indicible d’admiration, d’envie, de plaisir, quelque chose d’amer et de blafard dans leur sourire, où se contredisaient les yeux pleins d’affabilité et la bouche tordue par un dépit convulsif.
 
– Ah ! tu as de la chance, toi ! disait Labassindre. Quand je pense que demain à cette heure-ci, pendant que vous dînerez là, à cette place, je m’attablerai dans quelque bouillon Duval étouffant, où l’air qu’on respire, les vitres couvertes de buée, la portion qu’on vous sert, tout sent l’étuve, la vapeur, le chaud.
 
– Encore, si on était sûr de dîner régulièrement au bouillon Duval ! grommela le docteur Hirsch.
 
D’Argenton eut un élan :
 
– Eh bien ! qui vous empêche de passer quelque temps ici ? La maison est grande, la cave bien garnie…
 
– Mais oui, ajouta Charlotte avec empressement ; restez donc… Ce sera gentil… Nous ferons des excursions.
 
– Et l’Opéra ? fit Labassindre, qui répétait tous les jours.
 
– Mais vous, monsieur Hirsch, vous ne jouez pas à l’Opéra.
 
– Ma foi ! comtesse, j’ai bien envie d’accepter votre invitation. J’ai très peu de chose à faire pour l’instant, puisque toute ma clientèle est à la campagne.
 
La clientèle du docteur Hirsch à la campagne ! C’était excessivement bouffon. Pourtant personne n’eut envie de rire ; entre Ratés, ils étaient accoutumés à se passer bien des fantaisies.
 
– Allons ! décide-toi, fit d’Argenton. D’abord, c’est un service à me rendre. Dans l’état de santé où je me trouve, tu pourras me donner quelques consultations.
 
– Voilà qui me retient tout à fait… Tu sais ce que je t’ai dit : Rivals ne connaît rien à ton affaire. En un mois, je me charge de te mettre sur pieds.
 
– Eh bien ! et le gymnase ? Et Moronval ? s’écria Labassindre, furieux de voir l’autre prendre un plaisir qu’il ne partagerait pas.
 
– Ah ! tant pis ! j’en ai assez du gymnase, et de Moronval, et de la méthode Decostère…
 
Là dessus, le docteur Hirsch, assuré d’un gîte et de la pâtée pour quelque temps, éclata en plaintes, en imprécations contre l’institution qui le nourrissait : Moronval n’était qu’un faiseur ; il n’avait plus le sou, il ne payait jamais ; d’ailleurs, tout le monde le quittait, l’affaire de Mâdou lui avait fait le plus grand tort.
 
Les autres renchérissant encore, on fit des Moronval un véritable carnage. On alla jusqu’à complimenter Jack de son escapade qui avait, paraît-il, mis le mulâtre dans un tel état de colère bilieuse qu’il en avait eu la jaunisse.
 
Une fois lancés sur ce terrain, qui leur était familier, les trois amis ne s’arrêtèrent plus, et toute la soirée se passa à « casser du sucre, » comme ils disaient dans leur argot.
 
Labassindre en cassa sur la tête des premiers sujets de l’Opéra, cabotins poseurs, sans voix ni talent. Il en cassa sur la tête de son directeur, qui le laissait exprès se morfondre dans des rôles secondaires. Et pourquoi ? Parce qu’on connaissait ses opinions socialistes, parce qu’on savait qu’il avait été ouvrier, qu’il sortait du peuple et qu’il l’aimait.
 
– Eh bien ! oui, j’aime le peuple, disait le chanteur s’animant et tapant de ses gros poings sur la table. Et puis, après ? Qu’est-ce que ça peut leur faire ? Ça m’empêche-t-il d’avoir ma note ? Et je crois qu’elle y est, hein ?… Écoutez-moi ça, mes enfants. » Et il la tâtait, sa note, la caressait, s’en gargarisait avec délices.
 
Ensuite ce fut le tour de d’Argenton. Celui-là cassait son sucre méthodiquement, froidement, par petits coups implacables et secs. Les directeurs de théâtres, les libraires, les auteurs, le public, tout le monde eut sa part ; et pendant que Charlotte, aidée du petit Jack, surveillait les apprêts du café, ils étaient là tous les trois, les coudes sur la table, devant cet admirable soir d’été, à baver voluptueusement comme des boas, pour digérer.
 
L’apparition du docteur Rivals acheva d’animer la séance. Ravi de trouver nombreuse et joyeuse société, l’excellent homme prit place à la table.
 
– Vous voyez bien, madame d’Argenton, qu’il ne fallait à notre malade que de la distraction.
 
Derrière leurs lunettes bombées, les yeux du docteur Hirsch flamboyèrent.
 
– Je ne suis pas de votre avis, docteur, dit-il très carrément, en se posant le menton dans la main, prêt à la bataille.
 
Le vieux Rivals regarda non sans quelque stupeur ce singulier personnage, crasseux, cravaté de blanc, les joues rasées, la tête chauve, et qui, n’ayant de bon qu’un petit coin de l’œil gauche, était obligé, pour tenir son interlocuteur dans un rayon visuel, de se poser de côté, de parler de profil.
 
– Monsieur est médecin ? demanda-t-il.
 
D’Argenton évita à son ami la peine de mentir.
 
– Le docteur Hirsch… Le docteur Rivals… dit-il en les présentant l’un à l’autre.
 
Ils se saluèrent comme deux adversaires sur le terrain, qui croisent leurs regards avant de croiser leurs épées. Le bon Rivals croyant avoir à faire à un fameux praticien de Paris, quelque original de génie, prit d’abord une attitude modeste ; mais il s’aperçut bien vite du désordre de cet esprit plein de fêlures. Alors il éleva la voix, lui aussi, pour répondre au ton persifleur, dédaigneux, du docteur Hirsch, qui commençait à lui chauffer les oreilles, lesquelles, de leur nature, étaient déjà très rouges.
 
– Mon cher confrère, je me permettrai de vous observer…
 
– Ah ! pardon ! mon cher confrère…
 
Une vraie scène de Molière, le latin et le charabia compris, avec cette différence qu’au temps de Molière ce type de déclassé comme le docteur Hirsch n’existait pas encore, et qu’il a fallu pour le produire notre dix-neuvième siècle, surchauffé, troublant, trop plein d’idées.
 
La maladie de d’Argenton faisait l’objet de la discussion, et c’était curieux de voir l’expression singulièrement comique du poète, qui trouvait d’une part que le docteur Rivals le traitait trop en malade imaginaire, et, d’autre part, ne pouvait retenir une grimace en écoutant l’épouvantable nomenclature de maux compliqués dont le docteur Hirsch le prétendait atteint.
 
– Finissons-en, dit celui-ci en se levant tout à coup. Donnez-moi une feuille de papier, un crayon… Bien !… Maintenant, je vais, à l’aide du plessimètre, vous dessiner, vous décalquer la maladie de notre pauvre ami.
 
Il tira de son vaste gilet cette petite plaquette en buis qu’on appelle un plessimètre.
 
– Viens ici, dit-il à d’Argenton tout pâle ; et lui ouvrant brusquement sa redingote, il étendit la feuille de papier dans toute la largeur de la poitrine, promena son plessimètre dessus en auscultant et traçant à mesure des lignes avec son crayon. Ensuite il étala sur la table son papier chargé d’hiéroglyphes comme une carte géographique dessinée par un enfant.
 
– Je vous fais juges, dit-il. Ceci est le foie de notre ami exactement dessiné d’après nature. Est-ce que ça a l’air d’un foie, bien franchement ? Voilà où il devrait être, et voilà où il est… Et remarquez que les proportions gigantesques qu’il a prises sont aux dépens des autres organes. Vous pensez quels désordres tout autour, quels affreux ravages !…
 
De quelques coups de crayon vigoureusement jetés en zig-zag, il indiquait les ravages.
 
– C’est effrayant ! murmurait d’Argenton, qui regardait cela consterné, devenu jaune de pâle qu’il était d’abord.
 
Charlotte sentait ses yeux se remplir de larmes.
 
– Et vous croyez ça, vous autres ! fit le vieux Rivals en éclatant… Mais c’est de la médecine de sauvage. On se moque de vous.
 
– Ah ! permettez, mon cher confrère…
 
Mais le vieux n’écoutait plus rien ; il avait pris son grog plus fort que d’habitude, et la bataille s’engagea terrible.
 
Debout en face l’un de l’autre, les poings brandis, ils se jetaient des noms de médecins, des titres de livres grecs, latins, Scandinaves, hindous, chinois, cochinchinois. Hirsch avait le dessus par ses citations longues d’une aune, et dont – vu leur étrangeté – personne ne pouvait vérifier l’exactitude ; mais le père Rivals triomphait avec son formidable coup de trompette, l’énergie et le pittoresque de son dialogue, remplaçant les arguments par des menaces de « f… son adversaire par-dessus bord. »
 
Ni Jack ni Charlotte ne s’effrayaient de cette discussion violente : ils en avaient entendu bien d’autres au gymnase. Quant à Labassindre, impatienté de ne pouvoir placer un mot, il était allé s’appuyer rêveusement à la rampe de la terrasse pour lancer aux échos endormis du bois sa note retentissante et profonde.
 
Tout l’air s’en émut à l’entour. Il y eut des coups d’ailes dans le feuillage, et les paons des châteaux voisins, les paons peureux, nerveux, répondirent par ces cris d’alarme qu’ils jettent aux jours d’été dans le ciel orageux. Au fond de leurs cabanes, les paysans voisins se réveillèrent aussi. La vieille Salé et son homme hasardèrent un œil curieux vers les vitres enflammées des Parisiens, pendant que la lune éclairait la petite façade blanche où se détachait en lettres d’or la devise de la maison : « Parva domus, magna quies… Petite maison, grand repos. »
 
 
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